lundi 7 octobre 2013

Me3marouNA (Notre urbanisme) Le patrimoine de Testour en restauration

Comment, à présent, cette architecture que nous appelons patrimoine — car chargée d´histoire — est-elle perçue par les officiels et les Tunisiens, aujourd´hui?», se demande Nabil Kallala, archéologue et professeur à la Faculté des Sciences humaines et sociales à l´université de Tunis. Il fait partie du projet «Me3marouNA» qui a été développé par le Goethe-Institut à Tunis à l´initiative du ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine. Le projet est basé sur un échange d´experts tunisiens et allemands ayant pour but l’élaboration de recommandations pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine architectural, à l’adresse des ministères concernés. Ces experts ont constaté qu’en Tunisie le patrimoine architectural est souvent associé à des entraves et des obstacles par rapport aux projets d’aménagement du territoire et des travaux publics, et cela plus encore après la révolution. Mais l’immobilisme et les difficultés au niveau de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine architectural ne sont pas dus — en tout cas pas uniquement — à une législation trop sévère, mais plutôt à un manque de travail en commun entre experts et citoyens. C’est dans cette situation que le ministre de la Culture a exprimé le souhait auprès du Ministère des Affaires étrangères allemand, en mars 2012, d’un échange tuniso-allemand entre des experts d’horizons divers: architecture, archéologie, histoire, design, création artistique, tourisme, ainsi que des représentants de la société civile et de la politique locale. Valoriser le nord-ouest de la Tunisie, une région méconnue et peu visitée Le projet Me3marouNA met l´accent sur la participation de la population dans la conservation, la restauration et la mise en valeur du patrimoine architectural. «L´idée est de considérer le cadre physique des monuments, mais aussi les habitants. Dougga, le site archéologique, a été vidé de ses habitants jusqu’aux années 1960 pour conserver le site. On considérait qu´il fallait sauvegarder les vestiges et que les habitants qui occupent un site sont une source de dégradation, de destruction», explique Hichem Ksouri, archéologue et architecte enseignant à l´Ecole nationale d´architecture et d´urbanisme (Enau) qui fait partie du groupe d’experts. «On n’a jamais enquêté sur les habitants pour lesquels on a créé de nouvelles villes, on n’a jamais cherché à connaître leur point de vue par rapport à ce patrimoine qui est le leur», ajoute-t-il. L’idée de Me3marouNA est, au contraire, que les habitants deviennent la composante majeure dans la planification et la réalisation de projets concernant le patrimoine architectural, car il est important qu’ils s’identifient à leur patrimoine, qu’ils participent dans l’aménagement du territoire, des sites et des monuments et qu’ils développent le tourisme et d’autres secteurs économiques de la région. «A Mustis, c´était les chômeurs qui veillaient sur le site», se souvient Ksouri de la visite des experts à Mustis en novembre 2012, une ville romaine au Nord-Ouest dans la basse vallée du Medjerda, un des trois sites choisis comme échantillons représentatifs pour les analyses de Me3marouNA. La vallée par laquelle passe le plus long fleuve de la Tunisie abrite des monuments et des sites classés par L´Unesco comme patrimoine culturel mondial, allant de l’antiquité jusqu’à la période coloniale, englobant des antiquités de l’époque romaine et byzantine et une architecture tuniso-andalouse dans des états qui diffèrent énormément. «Le Nord-Ouest de la Tunisie est une région méconnue et peu visitée, en particulier par le flux touristique en provenance des grandes stations balnéaires du nord de la Tunisie. Ce projet mis en relation avec le développement durable est une excellente opportunité pour valoriser cette région dont le littoral est éloigné des grands sites culturels», dit Taher Ghalia, chercheur à l’INP. En plus de Mustis, une ville qui remonte à l’époque de César, les experts ont choisi le village mauresque de Testour construit par des Andalous musulmans chassés d’Espagne au XVIIe siècle, et Aïn Tounga, une ville numido-punico-romaine encore conservée pour l’élaboration de leurs recommandations. Les trois sites pourraient faire partie d´un circuit touristique. Les touristes qui viennent de Dougga pourraient visiter Testour qui se trouve à peine à 30 km du célèbre site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, puis Aïn Tounga et Musti et continuer par la suite vers Le Kef. Mais pour accueillir les visiteurs, il est indispensable que ces sites soient suffisamment conservés, dotés d’explications, et que l´infrastructure nécessaire soit mise en place. L’apport des participants allemands à «Me3marouNA» consiste à contribuer aux recommandations sur la base des expériences qu’ils ont faites non seulement en Tunisie, mais aussi chez eux, dans un contexte culturel différent. Ils ont présenté des exemples allemands à leurs collègues tunisiens lors d’un voyage d’étude en Allemagne en mai 2013, organisé par le Goethe-Institut. «Ce qui m´a impressionné en Allemagne, c´est l´autonomie des musées : les musées appartiennent à l’Etat mais l’Etat n’intervient pas dans leur gestion pour préserver la diversité, d’une part, et la séparation entre la fonction de musée et la recherche scientifique, d’autre part,» a constaté Olfa Saadi, architecte de l’INP. Gestion participative : réparation de l´horloge de Testour Le minaret de la Grande Mosquée de Testour est équipé d’une horloge unique au monde. Ses aiguilles tournent dans le sens inverse d´une montre et les chiffres sont placés l´envers aussi. Malheureusement, cette horloge ne fonctionne plus, le cadran dépourvu de ses aiguilles présente un aspect triste à voir. Recherches faites, il s’avère que la réparation est possible à un prix abordable pour une communauté d’intéressés. «Si chaque habitant de Testour offrait 1 ou 2 dinars, et si l’INP donnait son accord, ce serait faisable» a suggéré la directrice du Goethe-Institut, Christiane Bohrer. Afin d’informer le public de Testour et d’ailleurs sur le projet « Me3marouNA », l’Association de Sauvegarde de la Médina de Testour, la délégation de la ville de Testour et le Goethe-Institut organiseront donc, début novembre, une belle fête à Testour. Il y aura à découvrir ou à redécouvrir cette ville construite par les Andalous fuyants l’Espagne avant 1631, il y aura à boire et à manger, des informations sur le projet «Me3marouNA», et une collecte pour la réparation de l’horloge. Une fois la somme nécessaire disponible, les travaux pourront être réalisés en respectant les consignes pour la préservation du patrimoine. Le projet «Me3marouNA» se terminera par la remise solennelle des recommandations pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine architectural élaborées par les 35 experts tunisiens et allemands au Ministère de la Culture et aux autres ministères concernés, le 3 décembre 2013, dans le cadre d’une conférence ouverte au public. Cette conférence sera précédée, le 3 décembre, par une excursion aux trois sites ciblés dans le nord-ouest, Mustis, Aïn Tounga, et Testour. Si vous voulez participer, vous trouverez des informations plus détaillées sur le site internet du Goethe-Institut http://www.goethe.de/ins/tn/tun/fr10067634.htm. Auteur : Dr Astrid Schäfers, Goethe-Institut Tunis Source : La Presse

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